Je me définis comme un artiste gay et queer.
Je réfute l’utilisation des termes « orientation sexuelle » pour définir mon identité. Je suis pédé, voilà mon identité, ma culture.
Ma pratique artistique est nourrie par une remise en question des rapports de domination et de pouvoir ; par une volonté de réparation des imaginaires traumatisés, par des propositions positives. Elle se construit par couches, par sédimentation, par confrontations et superpositions, grâce à mes souvenirs, mes expériences, et celles de la communauté. Elle est faite d’erreurs et de lâcher-prise, de luttes et surtout de rencontres humaines. Tout existe et reste visible sur la toile car tout est important.
Sans souhaiter que le corps ne soit plus qu’un prétexte à gestes, formes et couleurs ; et que la peinture ne le surpasse pour révéler un paysage dans lequel on se perdrait pour se trouver, ma peinture questionne autant l’architecture de la surface que celle de l’anatomie. Les corps se charpentent comme multitudes d’espaces singuliers : des paysages déconstruits et reconstruits où se confrontent les bleus et les roses. L’homosexualité en rose et bleue, en écho aux stéréotypes de genre, mais également à l’homosexualité «noire» (celle de Jean Genet, de Pier Paolo Pasolini, de Robert Mapplethorpe…) qui se confrontait à l’homosexualité «blanche» (la facile, la quotidienne, visible, diurne…) ; telles que Guy Hocquenghem les définissait en 1975.
En sortant de cette confrontation binaire, les couleurs s’offrent en camaïeu. Le corps, à la fois figuré et oublié, appelle à une forme d’abstraction du sujet, du désir, de l’érotisme.
Comment représenter un corps abstrait ? Qu’est-ce que serait l’abstraction des corps, sinon l’image du souvenir ?
Les stéréotypes de genre, l’image de la virilité et du masculin sont interrogés par le prisme du sujet. Les corps musclés, presque atrophiés, excessifs, objetisés, vestiges du Butch Queen, s’inscrivent dans la culture gay et rendent visibles l’histoire parallèle de la communauté.
Des Physical Pictorial aux premières images homo-érotiques ; des Villages People, à Tom de Finland … ; des corps dévastés par le VIH Sida à ceux, scultpés par la pratique de la musculation comme signe d’appartenance au groupe «sain» ; du rituel de deuil collectif aux débuts de la commercialisation d’une imagerie et de fantasme gay ; des applications de rencontres aux nouvelles masculinités… ce corps est gay. Les Butch Queen ont marqué les années 1990/2000, avant que l’appellation Butch ne soit reprise par les femmes lesbiennes viriles, et Queen, par la scène Ballroom et Drag. Ils jalonnent l’histoire d’une communauté, tout autant que celle de l’art et de la société : ce sont les Kouros, les Appolon, les superhéros… Ils se jouent des codes, tout en devenant, au fil du temps, la quête d’un idéal fantasmé, d’un autre corps que le sien : celui que l’on se fabrique.
Dans cette volonté de paraître et de se définir une nouvelle enveloppe, la possibilité de flouter les barrières mentales du genre s’exprime, les muscles du «père» devenant sein nourricier et ventre fécondable.
On ne naît pas corps, on le devient.