Denis, 2022, 100×80 cm, acrylique
Lovers, 2022, 120x150cm, acrylique
Narcisse, 2022, 60X90 cm, acrylique, tirage numérique. Photographie Charlotte Boiron


Les gays ne sont pas des hommes.
 
Si dès le départ, Adam n’avait pas subi les diverses discriminations sociales hétéronormatives, il serait librement tombé amoureux de Bob, puis de Peter et de Alain. Il aurait vécu une première très belle histoire d’amour avec Jaime, puis se serait pacsé avec Asad. Il aurait divorcé, aurait passé quelques années avec Antoine et Lucas, puis avec Derrick. Il se serait ensuite marié avec Alejandro, avec qui il aurait eu deux enfants, l’un avec Eva, l’autre avec Marie, la femme de Eva. Il aurait eu des amants, des rencontres d’un soir, d’un moment. Il serait devenu un très bel homme.
 
En 1978, Monique Wittig clôt sa conférence par « les lesbiennes ne sont pas des femmes  ».
Il en va de même du pédé. Qui plus est de l’artiste gay. A l’heure où les identités de genre interrogent profondément les fondements de la société, où les paroles des minorités se libèrent et se font entendre pour formuler des injustices qui n’ont plus raisons d’être, il semble essentiel d’interroger l’homosexualité cis comme un genre identitaire.
 
Les gays des années 80/90 peuvent aujourd’hui affirmer ne pas s’être construits selon leurs propres besoins. C’est le retournement de l’insulte, de l’injure et de la monstruosité ressentie, comme le formulait Didier Eribon , qui fut le premier geste de réappropriation d’une identité gay. Le système que les autres connaissent n’est pas le nôtre que la réalité a profondément traumatisé de manière collective et individuelle. Je ne fais pas partie des hommes, je ne suis pas hétérosexuel, je ne suis pas blanc. Je ne suis pas un homme.
 
L’identité homosexuelle s’est construite en survivant, et aujourd’hui elle se révèle enfin, portée par la jeunesse et les identités queer, trans et non-binaires, partout dans le monde. Partout dans le monde, la reconnaissance se fait des humiliations subies par toutes les minorités. La résilience agit.
 
Grâce aux expérimentations concrètes de l’identité politique queer, mon travail cherche aujourd’hui à poser des images constitutives de « la subjectivité d’un gay, hantée par un monde et un passé qui fonde une appartenance collective  » comme un nouveau paradigme. Cette imagerie, longtemps interdite et diabolisée, fut longtemps la seule qu’il était possible de modéliser. Elle est pourtant intégrée dans le quotidien de millions d’individus.
 
NO·MAN·MEN se construit par étapes, par couches successives, qui s’amusent à invoquer la couleur et le geste autour de la binarité genrée du bleu et du rose. Il s’agit de partager, dans une optique de libération de la parole, ces images « intra-sous-culturelles » qui ont jalonnées l’histoire de l’art et la culture LGBTQIA+, de Michel-Ange à Robert Mapplethorpe, en passant par Francis Bacon, Grindr et Insta..
 
Les corps cis masculinisés à l’extrême dont les formes s’extraient de fantasmes communautaires doivent être perçus comme des corps en lutte, puisqu’ils réagissent à une idée mortifère de la maladie qui attaquait les corps. C’est également dans une volonté de partage que je propose à ce qui est définit comme de la pornographie de devenir un motif. Le corps homosexuel sexualisé devient alors politique. Il s’agit de reconstruire un corps phallique, sans peur, sans honte, et sans rapport hiérarchique.
 
L’homosexualité n’est pas une orientation sexuelle. C’est une identité en création qui se doit d’interroger la sexualité et les fantasmes. Mes peintures ne sont pas des fantasmes déviants. Elles sont préhistoriques. Ce sont des actes d’amour, des paysages d’amour, des échos à la poésie pédée de Jean Genet : « Mordille tendrement le paf qui bat ta joue, / Baise sa tête enflée, enfonce dans ton cou / Le paquet de ma bite avalé d’un seul coup. / Étrangle-toi d’amour, dégorge, et fais ta moue ! »

La versatilité sauvera l’humanité.

Si dès le départ, Adam n’avait pas subi les diverses discriminations sociales hétéronormatives, il serait librement tombé amoureux de Bob, puis de Peter et de Alain. Il aurait vécu une première très belle histoire d’amour avec Jaime, puis se serait pacsé avec Asad. Il aurait divorcé, aurait passé quelques années avec Antoine et Lucas, puis avec Derrick. Il se serait ensuite marié avec Alejandro, avec qui il aurait eu deux enfants, l’un avec Eve, l’autre avec Marie, la femme de Eve. Il aurait eu des amants, des rencontres d’un soir, d’un moment. Il serait devenu un très bel homme.

Ses funérailles réunirent la foule. Il était aimé de toustes, des cercles comme des individus

Toutes les personnes qui avaient eu la chance de le rencontrer étaient présentes lors de la cérémonie, les yeux vibrant d’émotions, tellement les mots d’Alejandro, qui parlait de l’homme de sa vie, son âme sœur, le père de ses enfants, un grand-père bienveillant, son meilleur amant, tellement la liberté de penser d’Adam, sa générosité et sa sensibilité intelligente avaient toujours été un modèle. Le sourire ému et radieux d’Alejandro à ce moment-là ; tout cet amour partagé avec Adam, tout l’amour d’Adam pour la vie, pour l’humain, la nature, la famille, l’amitié, tout son amour pour l’art, l’honnêteté et la culture étaient lumineux et colorés.

Dehors, et partout dans le monde, une immense foule unie saluait le départ de cette belle personne et de tous ses engagements pour une société juste.

Le cœur de l’humanité entière, à ce moment-là était rempli de joie.